Deux thèses s’opposent en sociologie et plus largement en sciences sociales. La première est celle de la société du risque, risque dont la nature globale et l’effet boomrang nivelleraient les inégalités sociales à terme (Beck, 1986). La seconde est celle de la justice environnementale qui montre que les maux environnementaux accroissent les inégalités sociales ou encore qu’ils sont coproduits (Bullard, 1990, Taylor, 2000…).
C’est à cette seconde thèse que ce cours est dédié. Il montrera comment a émergé la justice environnementale non seulement comme champ militant mais aussi comme champ académique en sciences sociales, où elle tend à redéfinir les problèmes environnementaux à partir de l’expérience de populations socialement vulnérables. Le cours focalisera également sur l’apport des approches sociologiques qui ont contribué à constituer ce champ d’étude autour de trois objets : à savoir l’objectivation des inégalités environnementales, dont une des déclinaisons principales est le racisme environnemental ; la mise au jour des processus qui interagissent dans la fabrique de ces inégalités à l’échelle des territoires locaux ou plus globaux ; l’étude des mouvements de justice environnementale, de leurs conditions de déploiement et de leurs effets.
A partir de différentes études de cas, nous montrerons quelles théories et paradigmes mobilisent ou construisent les sociologues de la justice environnementale pour appréhender ces objets, et quelles controverses scientifiques et politiques rencontrent leurs travaux.
Nous partirons des Etats-Unis où ce champ émerge au début des années 1980 dans la filiation des premiers mouvements antitoxiques et des Civil Rights, pour montrer, dans un deuxième temps, l’apport essentiel - à la constitution et au renouvellement de ce champ - des études provenant des Suds et plus spécifiquement des approches décoloniales. Le troisième temps sera consacré à la manière dont la justice environnementale s’est développée en Europe, puis plus spécifiquement en France. Nous montrerons les apports et controverses que soulèvent en sociologie les approches et concepts de la justice environnementale – comme celui originel de racisme environnemental. Le dernier temps du cours sera consacré à différentes problématiques de justice environnementale, telles que celle publicisées par les Gilets Jaunes dans leur opposition à la taxe carbone. Plus largement seront étudiées au prisme de différentes variables (classe sociale, genre, racisation, âge…) les iniquités en termes d’effort demandé au nom du climat ou de la protection de l’environnement, ou encore la surexposition aux risques et nuisances environnementales de certaines catégories de la population en France hexagonale et dite Outre-Mer, les conditions de leur empowerment ainsi que leurs effets.
Le TD approfondira certaines du cours à partir de lectures demandées. Les étudiant.es seront aménée.es à proposer leurs propres cas d’étude à partir d’une enquête exploratoire (articles, rapports, presse, médias sociaux…).
- Trainer/in: Valerie Deldreve